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Notes d'avril et de mai

Des notes pour avril et mai.



TIPE Océan

« Interstices » publie un dossier sur l’océan, le thème de TIPE de l’année à venir. Malheureusement, il n’y a pas grand chose qui utilise des maths discrètes ou de l’algorithmique. Il est surtout question de modélisation, et quand des objets discrets apparaissent c’est plutôt sous forme de résolution numérique d’équations discrétisées. De façon générale, je serais curieux de savoir si de l’algorithmique peut être utile pour l’étude des océans, du climat etc.

## Des graphes définis par des allumettes, des centimes et des articulations

Voici trois classes de graphes que l’on peut décrire avec des objets du quotidien.

Les graphes d’allumettes sont les graphes que l’on peut dessiner sur une table avec des allumettes.

Plus précisement, ce sont les graphes planaires et distance-unités, c’est-à-dire les graphes qui peuvent être dessinés dans le plan avec des arêtes (droites) de longueur 1. (« Graphe distance-unité » n’est pas un très bon nom mais c’est celui utilisé par wikipedia, et je n’ai pas trouvé mieux.)

Ensuite, les graphes de centimes (penny graphs en anglais) sont les graphes qui représentent des centimes sur une table.

Plus précisément, un graphe est un graphe de centimes si il est possible de représenter chaque sommet par un disque de rayon 1, et de placer les disques de manière à ce qu’ils ne se touchent qu’à la frontière, et que chaque contact représente une arête.

Les graphes de centimes sont des graphes d’allumettes, mais l’inverse n’est pas vrai.

Enfin, considérons l’idée suivante. Prenons un graphe, et remplaçons chaque arête par une tige et chaque nœud par une articulation. Alors, si en poussant dessus, cette structure change de forme, elle est dite flexible, sinon elle est dites rigide. Par exemple un cube est flexible, mais un tétrahèdre est rigide.

Pagerank et billard

« Images des maths » publie un billet à propos de PageRank, et des mathématiques des billards de Sinaï (en l’honneur de Viviane Baladi qui a travaillé sur le second sujet).

Les deux objets ont en commun de traiter d’une trajectoire dans un espace. La base de l’algorithme PageRank consiste à visiter les pages Internet en suivant au hasard les liens hypertextes. Autrement dit, on fait une marche aléatoire sur le graphe des liens. Le billard de Sinaï est un billard carré, avec un obstacle rond au milieu, dans lequel on lance une boule, qui roule sans frottement, et a donc une trajectoire infinie.

Ces deux objets ont des propriétés similaires de « mélange ». Dans le billard de Sinaï, si l’on lance un grand nombre de boules dans des directions légèrement différentes, on arrivera rapidement à une distribution relativement uniforme des boules sur le billard. Dans PageRank, le théorème de Perron-Frobenius implique que rapidement, la marche aléatoire atteint une distribution stationnaire : la probabilité d’être en train de visiter un certain nœud converge.

Timothy Gowers sur comment faire des maths

La revue de presse d’avril d’« Images des maths », pointent sur la vidéo d’un exposé, en français (!), de Timothy Gowers, sur le thème « comment découvrir une démonstration pourtant longue et complexe ».

En quelques mots il s’agit de montrer différentes techniques utilisées pour résoudre des problèmes : résoudre des cas particuliers, généraliser la question, prendre une approche probabiliste, faire des analogies, etc.

Non-reproductibilité et échecs non-publiés

Un article dans Nature liste les « quatre cavaliers de la non-reproductibilité ». L’un d’eux est le biais de publication: lorsque l’on recherche une corrélation, et que l’on n’arrive pas à la mettre en évidence, on ne peut rien publier. Il y a deux problèmes principaux avec ce biais : (1) les chercheurs sont encouragés à trouver des corrélations, plutôt qu’à trouver la vérité, et (2) si l’on est dans un cas où il n’y a pas de corrélation dans la réalité, mais que statistiquement on peut détecter une (fausse) corrélation dans 5% des cas, alors en moyenne si 20 équipes font l’expérience, l’une d’elle détectera la corrélation, publiera le résultats, et les autres resteront silencieuses sur leur absence de corrélation trouvée.

Une initiative pour réduire ce biais est la notion de « registered report ». Cela consiste pour le journal, a évalué l’expérience elle-même (la méthode, le matériel, l’hypothèse) avant qu’elle soit conduite. Si ce plan est accepté, alors on fait l’expérience, l’article est écrit et publié (sous réserve d’être raisonnable), même si il ne conclue pas à une corrélation.

En informatique théorique, et en mathématiques en général, le biais de publication n’est pas un problème central, puisque l’on peut vérifier les preuves. Cependant, nous perdons sans doute beaucoup de temps à essayer des approches déjà testées, puisque nous ne publions pas nos échecs.

Avions etc.

Quelques éléments supplémentaires pour poursuivre sur une note du mois dernier, à propos des trajets pour aller en conférence et de leur impact environnemental.

Un article de « The Conversation » mentionne plusieurs alternatives aux modèles classiques des conférences. L’une d’elle est d’avoir des conférences purement virtuelles, comme celle-ci. Dans ce format, personne ne bougent, tout est organisé avec des vidéos enregistrées et des visio-conférences. Une autre alternative, moins drastique, est d’avoir une conférence réparties sur plusieurs sites (par exemple un centre par continent), avec de fait un mélange entre des interactions en personne et en visio-conférence.

Au passage, rappelons qu’il existe un séminaire virtuel d’informatique théorique : TCS+.

Un autre point lié au même sujet : il est difficile de faire des efforts pour réduire son impact, lorsque l’on est seul et que c’est un frein pour une carrière. Peut-être qu’un type de charte au niveau d’une communauté ou d’une institution pourrait aider. Par exemple le journal danois « Politiken » a récemment mis en place une telle charte : pas de vols intérieurs pour les journalistes, moins de vols de manière générale, moins de pub pour des destinations de vacances lointaines etc.